Produire des aliments destinés à la consommation humaine tout en valorisant les terres arables : la diversification des cultures dans une exploitation biologique en Wallonie
Philippe Mattez est agriculteur dans une région de Wallonie aux sols limoneux. Dans cette région, le paysage est caractérisé par des champs ouverts où les principales cultures sont les céréales, les pommes de terre, les betteraves à sucre, le maïs et le colza. Il y a 20 ans, Philippe Mattez a décidé de suivre le cahier des charges de l'agriculture biologique. Il a progressivement diversifié sa production, en introduisant de nouvelles cultures, notamment pour la consommation humaine, en essayant de nouvelles associations et en développant les cultures de couverture et les pratiques d'agriculture de conservation. Il produit maintenant des pommes de terre, des légumes (carottes, oignons, potiron, chicorée), des céréales (avoine, épeautre, orge, etc.), des légumineuses (lentilles, pois, luzerne), des herbes aromatiques (basilic, persil) et d'autres graines (quinoa, colza). Il a également planté récemment des haies fruitières.
Problématique rencontrée
A la fin des années 90, Philppe Mattez a été confronté à différents problèmes et questions fondamentales sur les systèmes de culture : faible revenu de la production agricole sur une petite exploitation, prix bas des céréales, provenance des engrais de synthèse, leur prix, la santé de l'agriculteur, la qualité des sols et l'impact écologique des pratiques agricoles. Cela l'a conduit à chercher des solutions pour produire efficacement, de manière propre et pour maintenir la ferme en vie. Actuellement, il est toujours confronté à des risques financiers et climatiques. De plus, la fluctuation du marché ne permet pas de prévoir la demande d'une année sur l'autre.
Solutions mises en œuvre
Philippe a cherché dans toutes les directions en cherchant l'autosuffisance en azote, en gardant les sols propres en contrôlant les mauvaises herbes, en améliorant la fertilité et en gérant les ravageurs et les maladies. Deux stratégies principales sont explorées pour faire fonctionner son système : essayer des pratiques agricoles innovantes et chercher de nouvelles opportunités, de nouvelles cultures et de nouveaux marchés. Innovateur en matière de pratiques agronomiques, il s'est converti au cahier des charges de l'agriculture biologique pour une première parcelle en 1997 et peu après pour l'ensemble de la surface agricole de son exploitation. Vingt ans plus tard, il associe cette transition à des bénéfices pour l'environnement, et notamment pour son sol. Les produits de synthèse ne nuisent pas aux micro-organismes du sol et la vie du sol est renforcée par la matière organique utilisée comme source de nutriments. À la recherche d'une source durable d'azote libre, il a également introduit des légumineuses dans ses rotations complexes, à la fois comme cultures principales, cultures de couverture et cultures intercalaires. Philippe prend soin de la santé et de la qualité de son sol en appliquant les techniques de l'agriculture de conservation, en maximisant la couverture du sol, surtout entre les saisons de culture, en labourant le moins possible et en étendant les rotations de cultures. Il cultive maintenant plus de 10 cultures différentes sur l'exploitation et peut ainsi faire des rotations très longues et diversifiées. La culture de nouvelles plantes le pousse à trouver de nouvelles opportunités et de nouveaux marchés pour ses produits : quinoa, petit épeautre, combinaison lentille-camelina ou lentille-épeautre.
Défis rencontrés
Les cultures doivent arriver à maturité en même temps et, une fois récoltées, elles doivent être triées. Cependant, les machines de triage représentent un investissement élevé. Le fait d'avoir beaucoup de légumes l'empêche d'arrêter totalement le travail du sol. Il doit mettre en place d'autres pratiques comme la minéralisation de la matière organique à chaque labour et l'apport de beaucoup de compost (fumier et composts de déchets verts). Un autre défi est la destruction des plantes de couverture qui ne sont pas tuées par le gel lorsqu'on essaie de limiter le travail du sol, ainsi que la gestion des résidus de culture. Il essaie donc de développer de nouvelles pratiques afin de combiner ces contraintes avec le non-travail du sol.
Pourquoi ce succès ?
La diversification des cultures l'aide à répartir les risques en favorisant la biodiversité pour gérer les mauvaises herbes, les pathogènes et les ravageurs. Le fait d'avoir plusieurs cultures l'aide également à atténuer la fluctuation des prix d'une année sur l'autre. En outre, il a constaté que les cultures intercalaires donnent généralement des rendements plus élevés que les cultures uniques. En général, son système fonctionne plutôt bien grâce à ses bonnes relations avec les acheteurs et à sa capacité à négocier des prix équitables. En basant sa rotation sur la production de denrées alimentaires plutôt que d'aliments pour animaux, il atteint également un meilleur marché et obtient de meilleurs prix. Les cultures destinées à l'alimentation humaine sont à la mode et représentent un marché en expansion, pour lequel il existe une demande croissante. C'est un créneau à occuper car si les agriculteurs locaux ne cultivent pas en suivant les choix des consommateurs, certains de ces produits agricoles seront importés. Sa curiosité l'a également aidé à apprendre et à mettre en œuvre de nouvelles pratiques et à atteindre de nouveaux marchés. Son esprit critique lui a permis de remettre en question son système. C'est un processus graduel qui a commencé alors qu'il était encore étudiant. Il n'a pas hésité à voyager pour apprendre de nouvelles pratiques.